Jeudi 25 février 2021
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" Pour se convaincre de la nécessité de prendre en compte la parole de l’enfant, il suffit de regarder ce que sa négligence emporte comme conséquences. "
« Moi je voulais faire une filière générale
pour me laisser le choix, ne pas me fermer de
portes et à la place je suis en boulangerie et je
n’aime pas ça. Je ne veux pas faire ça, mais je
n’ai pas le choix. », expliquait un des enfants
de la Croix-Rouge d’Argenteuil consultés par le
Défenseur des droits en 2019.
Pour se convaincre de la nécessité de prendre
en compte la parole de l’enfant, il suffit de
regarder ce que sa négligence emporte
comme conséquences. Tout petit, un enfant
dont on n’éveille ni ne recueille la parole
est un enfant susceptible de développer
des troubles du langage, d’attachement, du
comportement. Plus tard, les élèves auxquels
une orientation est imposée sans tenir compte
de leurs souhaits, sont souvent ceux qu’on
retrouve, après quelques années, parmi les
décrocheurs.
Quand, victime de harcèlement,
un enfant ne rencontre pas de considération
pour la souffrance qu’il exprime, les violences
prennent les formes graves que révèlent, trop
tard, les passages à l’acte qu’elles attisent.
A l’heure où les discours sur l’enfant semblent
très en vogue, la parole de l’enfant est
étrangement absente.
Pourtant, le droit de l’enfant à participer
aux décisions le concernant conditionne
l’effectivité de bien d’autres de ses droits.
Chaque fois que son expression est
recherchée et sa parole écoutée, l’enfant est
mieux protégé contre toute forme de violences.
S’il est associé aux prises de décisions
relatives à sa situation, il pourra en éclairer la
compréhension et favoriser ainsi le respect de
son intérêt supérieur.
Les conséquences d’une privation de ce droit
sont d’autant plus fortes que la vulnérabilité
de l’enfant qui la subit est grande. Pour un
enfant en situation de grande pauvreté, la nonconsidération de sa parole viendra s’ajouter
à la dépossession de leur pouvoir d’agir que
subissent ses parents, si bien que les décisions
prises à son encontre ont toutes les chances
d’être dénuées de pertinence et d’ancrer un peu plus profondément sa vulnérabilité.
De même, le handicap d’un enfant est
souvent utilisé comme un prétexte pour ne
pas l’associer aux projets qui le concernent,
conduisant à des prises de décision
unilatérales qui l’affectent durablement dans
sa confiance et son estime de soi.
Le droit à la participation de l’enfant, devant
l’ampleur des dommages causés par son
défaut, ne saurait donc être considéré comme
un luxe ou un surplus. Il doit être compris
comme une nécessité, et sa mise en œuvre
doit en assurer la pleine portée. Précisément,
il s’agit non seulement de permettre à l’enfant
de s’exprimer, mais aussi d’être écouté, pris
en compte et informé, tant en amont – sur
ses droits, les enjeux de la décision – qu’en
aval – sur les suites données au recueil
de sa parole. Pour que la participation des
enfants ne soit pas « décorative », elle doit
être préparée, s’accompagner des conditions
d’une expression libre, et s’inscrire non pas en
parallèle mais dans le circuit décisionnel. En
d’autres termes, son efficacité et sa pertinence
sont tributaires des conditions dans lesquelles
elle est instaurée : préparée dans le respect de
la dignité de chacun, cette participation doit
offrir la possibilité à tous de comprendre les
enjeux en question, afin que puisse réellement
se construire une intelligence collective.
Veiller à associer les enfants en leur
permettant de participer aux procédures
ou prises de décision qui les concernent,
à des instances scolaires, politiques ou
administratives, crée ainsi, au-delà des
bénéfices pour les enfants, un gain pour
toute la société. Car la vigilance à l’égard des
plus jeunes est susceptible d’aiguiser plus
largement une attention à toutes les personnes
dont la participation est malmenée en raison
de leurs fragilités ou vulnérabilités, qu’elles
soient économiques, physiques, intellectuelles.
Tant que ces contributions seront négligées,
notre démocratie restera inaboutie, détachée
d’une partie de ses membres qu’elle prive de
leurs droits.
Claire Hédon
Défenseure des droits
© Handicap Infos - source : communiqué de presse